Ce qui est en train de se passer avec les pensions, est un carnage, avec des mesures dont de nombreuses personnes ne peuvent pas encore exactement mesurer l’impact.

Ce n’est pas un slogan : il faudra travailler plus longtemps pour moins de pension. 4 travailleurs sur 10 devront travailler au moins un an de plus à la suite du durcissement de la pension anticipée. Et ceux qui souhaitent malgré tout arrêter plus tôt que l’âge légal de la pension (66 ou 67 ans en 2030), verront leur pension réduite du malus pension, s’ils ne peuvent pas justifier suffisamment de jours effectifs.

Les femmes sont visées parce que les périodes assimilées en dehors des congés pour soins et périodes de maladie sont limitées à 20% de la carrière. La pension de survie (avant la première date de pension possible) est également supprimée .

Les fonctionnaires perdent quasiment tout ce qui était avantageux pour eux. A terme, les pensions de la fonction publique seront calculées sur la base de 75% du traitement barémique moyen sur l’ensemble de la carrière statutaire et diminueront de ce fait d’environ 20%. L’opération revient à une énorme harmonisation vers le bas.

Que veut l’Arizona?

Les Engagés-MR-NVA veulent économiser 2,4 milliards d’euros sur les dépenses de pension au cours des quatre prochaines années, en plus d’une économie de plus de 1,6 milliard d’euros dans l’enveloppe bien-être pour la branche des pensions. Pour le volet des pensions, les quatre lignes de force suivantes sont incluses dans l’accord de coalition :

  • Un durcissement des conditions de départ à la retraite anticipée.
  • Moins de droits à pension pour ceux qui n’ont pas eu de chance tout au long de leur carrière en réduisant les périodes assimilées. Cette réforme touche particulièrement les femmes.
  • Réduction de la liaison au bien-être des pensions, par la suppression de l’enveloppe bien-être, de la péréquation et le « plafonnement » de l’indexation des pensions actuelles de la fonction publique.
  • Harmonisation vers le bas des systèmes de pension : coup de hache dans les pensions de la fonction publique, pas d’augmentation de la cotisation (minimale) des indépendants.

Impacts sur les pensionnés

1. Des attaques contre les pensionnés actuels et futurs

Mesure n°1 : La suppression de la péréquation bloquera également toute autre revalorisation de ses pensions.

Mesure n°2 : Les pensions de la fonction publique ne seront plus calculées sur les 10 dernières années mais sur l’ensemble de la carrière ce qui diminuera fortement les pensions.

  • Exemple : Jean est un enseignant nommé dans le secondaire avec un diplôme de bachelier. A son départ à la pension après 42 années, il perdra environ 20% de sa pension ce qui représente une perte de plus de 800 € bruts.

Mesure n°3 : Les enseignants, les pompiers et les policiers verront leur coefficient réduit de moitié et devront travailler un an de plus pour moins de pension. La suppression des tantièmes préférentiels imposera aux facteurs, aux douaniers, aux agents de sécurité qui transportent les prisonniers de travailler minimum 2 années en plus pour partir en pension ou en pension anticipée.

  • Exemple : Liam est pompier. Avec les règles actuelles, il peut partir à 63 ans après 40 ans de carrière. En 2032, avec la suppression de son tantième, il devra travailler 1 ans de plus.

Mesure n°4 : L’âge de la retraite des militaires passera à 67 ans (+ 11 ans) comme celles des accompagnateurs de la SNCB (+12 ans). Imagine-t-on un militaire en action sur le terrain à 67 ans ?

2.  Les femmes seront les principales victimes

Mesure n°1 : Introduction d’un malus pour les personnes qui prennent leur pension avant 67 ans et n’ont pas 35 années de carrière effective pénalisera fortement les femmes et ceux qui ont un métier pénible.

Ce malus sera 2 % par an au départ pour atteindre 5 % par an en 2040 ce qui signifie qu’une personne qui prend sa pension à 63 ans perdra 8 % de sa pension dès 2027 et 20 % à partir de 2040.

  • Exemple : Rita a 63 ans et a travaillé 42 ans mais plusieurs années à temps partiel et ne peut donc pas justifier 35 années de travail effectif (à 156 jours par an). Si elle prend sa pension, elle perdra 20 % ce qui représente pour une pension moyenne une perte de 320 € bruts par mois.

Mesure n°2 : Seules les années qui comportent 156 jours de travail (contre 104 actuellement) seront prises en compte pour l’accès à la pension anticipée et à la pension. Avec cette mesure 40 % des travailleurs qui souhaitent prendre une pension anticipée devront travailler plus longtemps dont 54 % de femmes. Pour les travailleuses à temps partiels, cela peut représenter 7 années de travail en plus !

  • Exemple : Christine a obtenu son diplôme en 1984 et a commencé à travailler le 1er septembre 1984. Pendant 2 ans, elle a travaillé à tiers-temps pour s’occuper de ses jeunes enfants. En mai 2025, elle aurait pu prendre sa pension anticipée mais avec l’Arizona, elle devra travailler 38 mois en plus (jusqu’au 1er juillet 2028).

Mesure n°3 : Désormais, la prise en compte de périodes assimilées (chômage, emplois de fin de carrière, RCC…) sera plafonnée à 40 % en 2027 et 20 % en 2031. Cela impactera 23 % des travailleurs (environ 30.000 personnes par an) dont 59 % de femmes. Ces personnes devront donc travailler plus longtemps. De plus, les périodes de chômage, de RCC, de prépension et les emplois de fin de carrière ne seront pris en compte que sur base d’un salaire fictif limité ce qui signifie une perte de pension pour toutes les personnes qui subissent un licenciement (sans retrouver directement un emploi).

Mesure n°4 : L’Arizona supprime la pension de survie pour la remplacer par une allocation de transition limitée à 2 ans (ou jusqu’à 3 ou 4 ans avec des jeunes enfants à charge). La pension de survie concerne les veuves et veufs de plus de 50 ans (au moment du décès de leur conjoint(e)). Près de 140.000 personnes risquent donc de perdre leur pension dont plus de 95 % de femmes !

  • Exemple : Nelly est restée pendant quelques années comme femme au foyer pour s’occuper de son enfant atteint d’un handicap mental. Elle a désormais 53 ans et son mari décède soudainement avant d’atteindre l’âge légal de la pension (anticipée). Au lieu de recevoir la pension de survie minimum (1.749,65 euros), Nelly reçoit une allocation de transition temporaire pour 3 ans. Cela signifie qu’à l’âge de 56 ans, elle se retrouvera sans rien.

3. Les mécanismes qui tiennent compte de la pénibilité de certains métiers sont supprimés

Mesure n°1 : Dans le secteur public, les tantièmes préférentiels sont supprimés comme repris ci-dessus.

Mesure n°2 : Dans le secteur privé, il ne peut plus y avoir de nouvelles RCC (ex- prépensions)1 . Il s’agit pourtant d’un mécanisme qui permet pourtant de tenir compte de la pénibilité des métiers. En 2023, 15.549 travailleurs étaient en RCC. 55% d’entre eux relevaient des régimes RCC métiers lourds (construction, travail de nuit et travail posté) et 29% à la suite d’une restructuration. La suppression des prépensions impactera directement les travailleurs de plus de 60 ans qui ont une carrière longue, un métier lourd ou sont victimes d’une restructuration. Ceux-ci seront licenciés et ne pourront plus bénéficier d’un complément de leur (ex)employeur. Si ça avait été mis en place pour Audi Forest, cela aurait pénalisé 200 travailleurs.